Walter Scott, Lord Penzance et les Roses
Quel rapport y a-t-il entre Sir Walter Scott et les roses? Lord Penzance naturellement.

Roch Rollin

pages associées: r. rubiginosa hybrida de rose g. kingsley, 1908
Anne of Geierstein
'Anne of Geierstein' ©2005 Daphne Filiberti

J'avais à peu près 17 ans quand j'ai acheté mon premier rosier. A la même époque, je découvrais avec délices les romans de Walter Scott. Ma passion pour les roses et mon amour de la littérature se combinent 25 ans après l'achat de mon premier rosier. Les personnages de Walter Scott rencontrent les roses.

Walter Scott, l'inventeur du roman historique, est né en 1771 à Edimbourg, et est mort à Abbotsford en 1832. Son père était un avocat distingué et sa mère la fille d'un professeur de médecine à l'université d'Edimbourg. Walter Scott étudia le droit et se joignit au Barreau d'Ecosse. Mais son coeur appartenait à la littérature.

W. S. publia son premier poème Le Lai du dernier ménéstrel en 1802. Le succès fut immédiat. Pendant dix ans, il fut le plus grand poète du Royaume Uni; jusqu'à ce que Lord Byron publie Childe Harold en 1812.

Se voyant dépassé, il décida, avec beaucoup de grâce et de bon sens, de diversifier ses talents littéraires. Il exhuma de ses tiroirs l'ébauche d'un roman qu'il termina en quelques semaines. Waverley parut en 1814 et connut un succès immédiat. Il publia de nombreux romans et d'autres ouvrages sérieux dont je ne nommerai que ceux qui ont un rapport direct avec cet article: Guy Mannering (1815 ), The Antiquary (1816), Old Mortality dans Tales of my Landlord (1816), The Heart of Mid-Lothian in Tales of my Landlord 2nd series (1818), Rob Roy (1818), The Bride of Lammermoor in Tales of my Landlord, 3rd series, (1819), The Abbot (1820), Kenilworth (1821), The Pirate (1822), Redgauntlet (1824), Anne of Geierstein or The Maiden of the Mist (1829),

Ses poèmes et ses romans furent très vite traduits en français puis en allemand, en italien, en espagnol, etc. Il s'ensuivit une vogue comparable à la Beattlemanie. Walter Scott fut anobli. Sa seule présence garantissait le succès d'une soirée. Les élégantes portaient des tissus écossais, les touristes affluaient en Ecosse. Les thèmes scottiens inspirèrent non seulement les voyageurs et la mode, mais aussi des auteurs dramatiques, des peintres, des sculpteurs,des compositeurs de musique symphonique et opératique, et de nombreux imitateurs. L'influence de l'oeuvre de Scott sur la culture occidentale du XIXe siècle fut profonde. Il fut un précurseur du romantisme. Parmi ses admirateurs les plus illustres, il comptait Emily Bronte, Washington Irving, Alexandre Dumas et Victor Hugo.

Un autre de ses admirateurs, moins connu mais tout aussi dévoué, était Lord Penzance, ci-devant James Plaisted Wilde; un avocat anglais, né en 1816, qui lisait Scott depuis son enfance et qui continua jusqu'à sa mort.

Comme Walter Scott, J. P. Wilde était fils d'avocat. Il avait des relations bien placées (son oncle, Lord Truro allait devenir Chancellier du Royaume) et fit une belle carrière. En 1860, il devint Sir J.P. Wilde. Et la même année il épousa Lady Mary Bouverie (1825-1900), la fille du troisième comte de Radnor. Ils n'eurent pas d'enfant de ce mariage tardif, elle avait 35 ans et lui 44. Il fut promut juge trois ans plus tard, et créé baron Penzance, du comté de Penzance, dans la Pairie du Royaume Uni, en 1869. Il prit sa retraite avec une généreuse pension en 1872, mais accepta, en 1875, une position de Doyen à la Cour d'appel. Position qu'il conserva jusqu'en 1899, l'année de sa mort.

Sa résidence principale était Eashing Park, à Godalming, dans le Surrey au doux climat maritime. C'est là qu'il jouissait d'une retraite dorée en prenant soin de ses roses. C'est aussi là qu'il commença à s'intéresser à l'hybridisation, et à élever des rosiers à partir de semis. C'était un homme qui avait sa propre idée et un but précis. Alors que la fin du XIXe siècle est connue pour ses Hybrides Perpétuels gigantesques et ses délicats Hybrides de Thé, il voulait des roses au feuillage odorant.

Il croisa Rosa eglanteria avec R. foetida ou une de ses descendantes, et obtint deux nouvelles roses qu'il nomma pour son épouse et pour lui-même:

'Lady Penzance' introduite en 1894; syn. 'Rosa x penzanceana' Rehder (R. eglanteria x R. foetida bicolor) Fleurs simples, rose saumon cuivré; et 'Lord Penzance' introduite en 1894; (R. eglanteria x 'Harison's Yellow') Fleurs simples, jaune rosé très doux, parfumées. Ces deux rosiers peuvent atteindre presque deux mètres dans des circonstances favorables.

Lord P. croisant encore R. eglanteria avec diverses roses remontantes de son jardin sélectionna quatorze nouvelles roses. Ce sont les roses de Penzance. Il les nomma toutes d'après des personnages de son auteur favori pour, Sir Walter Scott. Celles marquées d'un* sont de Lord Penzance mais introduites par Keynes, Williams & Co.

'Amy Robsart' introduite* en 1894; (R. eglanteria x HP or B) Grandes fleurs semi-doubles, rose foncé et parfumées; nom tiré de Kenilworth.

'Anne of Geierstein' introduite* en 1894; (R. eglanteria x HP or B) Fleurs simples, parfumées, cramoisi foncé; nom tiré de Anne of Geierstein or the Maiden of the Mist.

'Brenda' introduite* en 1894; (R. eglanteria x HP or B) Fleurs rose pâle; nom tiré de The Pirate (soeur de Minna Troil ).

'Catherine Seyton' introduite* en 1894; (R. eglanteria x HP or B) fleurs simples, parfumées, rose très doux; nom tiré de The Abbot.

'Edith Bellenden' introduite en 1895; (R. eglanteria x ?); Fleurs simples, rose pâle; nom tiré de Old Mortality.

'Flora McIvor' introduite en 1894; (R. eglanteria x HP or B); Petites fleurs très parfumées, rose avec un centre blanc; nom tiré de Waverley.

'Green Mantle' introduite en 1895; (R. eglanteria x ?); Fleurs d'un rouge rosé brilliant avec un oeil blanc; nom tiré de Redgauntlet.

'Jeanie Deans' introduite en 1895; (R. eglanteria x ?); Très nombreuses fleurs semi-double, cramoisi écarlate; nom tiré de The Heart of Mid-Lothian.

'Julia Mannering' introduite en 1895; (R. eglanteria x ?); Fleurs parfumées, semi-double, rose perle; nom tiré de Guy Mannering.

'Lucy Ashton' introduite en 1894; (R. eglanteria x ?); Fleurs simples, blanches lisérées de rose; nom tiré de The Bride of Lammermoor.

'Lucy Bertram' introduite en 1895; (R. eglanteria x ?); Fleurs simples, cramoisi foncé avec un oeil blanc; nom tiré de Guy Mannering.

'Meg Merrilies' introduite en 1894; (R. eglanteria x HP or B); Fleurs simples, cramoisi rosé et parfumées; nom tiré de Guy Mannering.

'Minna' introduite en 1895; (R. eglanteria x ?); Fleurs blanches, semi-doubles; nom tiré de The Pirate (soeur de Brenda Troil).

'Rose Bradwardine' introduite en 1894; (R. eglanteria x ?); Fleurs simples, rose clair; nom tiré de Waverley.

Les roses de Penzance peuvent atteindre trois mètres, et ont toutes le feuillage odorant quoique à divers degrés. Elles sont aussi rustiques, elles survivent bien à Montréal (USDA zone 4) sans protection aucune.

R. eglanteria a peu été utilisée dans le développement des roses modernes. Kordes a utilisé 'Magnifica' (un semis de 'Lucy Ashton' introduit en 1916 par Hesse) dans son programme de développement mais, autant que je sache, aucune de ses roses n'a le feuillage délicieusement aromatique des Penzance. Ce serait vraiment merveilleux d'avoir des rosiers à floraison perpétuelle avec en plus le feuillage odorant. Si vous trouvez l'idée de votre goût, n'hésitez pas, Lord Penzance approuverait surement.

Lord Penzance n'était ni le seul, ni le premier parmi les rosomanes à admirer Walter Scott. J'ai trouvé dans Paul,1848, une Gallica, une Noisette et une Thé nommées 'Sir Walter Scott', en plus de dix autres roses nommées d'après des personnages scottiens. De toutes ces roses, une seule se retrouve dans Modern Roses-10 : 'Dominie Sampson' (Spn) nommée d'après un personnage secondaire mais très attachant de Guy Mannering. Au XXe siècle, Easley a introduit en 1928, 'Ivanhoe' (HT); et Hill un autre HT appelé aussi 'Ivanhoe' en 1972. C'est deux dernières roses portent le nom du roman le plus populaire de Scott, Ivanhoe publié en 1820. Beaucoup d'autres roses ont été nommées directement ou indirectement d'après des personnages scottiens.

Les roses Penzance sont encore disponibles de nos jours et ont fait couler pas mal d'encre. J'ai trouvé quelques petites erreurs dans la littérature rhodologique. M. Shepherd dit à la page 140 de son livre (très bon livre, en passant) qu'une des quatorze roses à un nom descriptif. La seule à laquelle il pourrait faire allusion est 'Green Mantle', mais Green Mantle est un des personnages de Red Gauntlet, un des romans moins bien connus de Scott. Tout le monde peut se tromper. Beales, à la page 21 de son superbe volume théorise que 'Meg Merrilies' porte le nom d'une londonienne charitable jusqu'à présent inconnue. Ce me semble très peu probable puisque les treize autres roses portent des noms tirés de Scott. Ce qui n'enlève rien à son superbe ouvrage.

L'influence de Sir Walter Scott continue au XXe siècle, ses romans sont toujours lus et on en fait des films (Rob Roy). Les roses de Lord Penzance se vendent encore après plus de cent ans. Souhaitons que les oeuvres de ces deux personnages continuent d'inspirer les romanciers et les rosomanes de l'avenir.

N. B. A propos de l'ortographe:
'Jeanie Deans': bien que l'usage récent veuille deux 'N', j'ai trouvé dans Wright (1911), qu'il n'en utilisait qu'un; je me range à son avis et à celui de Scott lui-même. 'Green Mantle', l'usage courant ( pas d'espace, 'M' minuscule) semble être récent, on retrouve dans Standardized Rose Names (1924 approx.): 'Green Mantle'; de même que dans Modern Roses II (1940); je retourne à l'ortographe d'origine. 'Flora Mac Ivor', comme on l'épelait dans Waverley, a été abrégé en M'Ivor et McIvor au cours des années. Puisque ces deux abbréviations sont correctes et que l'espace n'est pas essentiel, je suis le MR-10 avec McIvor.

Grand merci à Claire Laberge pour l'information sur la rusticité des Penzance.

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Jeannie Deans
'Jeannie Deans', gravure tirée de Rose G. Kingsley, Roses and Rose Growing (1908).
Voyez ci-dessus pour l'orthographe de 'Jeanie Deans'

Bibliographie

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*collectif, Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, 1982, Slatkine , Paris-Genève, 17 vol., réimpression de l'édition de Paris 1866-79.
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*collectif, Modern Roses II, 1940, The MacMillan company, New-York (New-York), 254 p. J. Horace Mc Farland, éditeur.
*collectif, Modern Roses 10, 1993, The American Rose Society, Shreveport (Louisiane), 740 p., Thomas Cairns éditeur.
*collectif, Standardized Rose Names, c.1924, The American Rose Society, West Grove, Pa, (Réimprimé avec la permission de Standard Plant Names.)
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*Shepherd, Roy E., History of the Rose, 1978, Heyden & Son, Londres, 264 p., facsimilé de l'édition de New York 1954.
*Société Nationale d'Horticulture de France, Section des Roses, Les plus belles Roses au début du XXe siècle, c.1912, Charles Amat Libraire-éditeur, Paris, 235 p.
*Suhamy, Henri, Sir Walter Scott, 1993, Editions du Fallois, Paris, 464 p.
*Thomas, Graham Stuart, The Graham Stuart Thomas Rose Book, 1994, SagaPress / Timber Press, Portland (Oregon), 256 p.
*Wright, Walter P., Roses and Rose Gardens, 1911, Headley Brothers, Londres, 294 p.

Pour en savoir plus à propos des rosiers de lord Penzance, et leur utilisation au jardin, connectez à la version française de l'article de Rose G. Kingsley, tiré de Roses and Rose Growing.

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